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XXème siècle

La représentation de la Vitesse et du mouvement au XXème siècle

Le saut à la perche

Etienne-Jules Marey, années 1880

 

Contexte de l'oeuvre :

Cette technique de la photographie offre aux scientifiques des possibilités nouvelles.

À partir des années 1870, le Français Etienne-Jules Marey (1830-1904) et dans son sillage l’Américain Eadweard Muybridge (1830-1904) se servent d’instantanés photographiques pour décomposer le mouvement des êtres vivants. En dissociant, en figeant, en analysant les poses successives de leurs modèles, les deux hommes peuvent capturer le détail des activités sportives ou des gestes de la vie courante. Par le biais de ces séquences rapprochées, ils obtiennent avec précision les images de ce qu’on ne peut percevoir à l’œil nu.

En arrêtant le temps et le mouvement, ils réussissent à voir l’invisible.

Oeuvre 1 : La Chronophotographie

 

Analyse de l'image :

Marey, passionné par la locomotion humaine et animale, est l’inventeur en 1882 du fusil photographique et de la « chronophotographie », qui permettent de linéariser sur une même plaque le déplacement d’un sujet muni, pour les besoins de l’expérience, de plusieurs points réfléchissants sur les bras et les jambes. Comme ses films où se meuvent au ralenti chiens, chats, moutons et chevaux, les clichés d’un cavalier arabe, donnant par leur qualité une impression de fluidité, d’énergie et de vitesse, permettent de comprendre le fonctionnement de la « machine animale ».

Dans Animal Locomotion (1872-1885), Muybridge, qui travaille d’abord sur la côte ouest des Etats-Unis, présente près de 800 vues et images prises au millième de seconde. L’inventeur du « zoopraxiscope » utilise douze (puis vingt-quatre) appareils à déclenchement successif placés en ligne à une quinzaine de centimètres les uns des autres.

Les sujets, en l’occurrence un athlète sautant à la perche et un cavalier franchissant un obstacle avec sa monture, déclenchent les appareils en passant devant. Le résultat est fascinant : ces photos, à la fois témoins fidèles et artifices pleins d’étrangeté (puisque offrant une vue totalement inhabituelle sur un geste ordinaire), établissent un pont entre la science et l’art. Réunissant discontinuité et illusion de mouvement, exactitude et rêverie poétique, utilité scientifique et esthétique, elles offrent une vision paradoxale et totalement nouvelle.

 

Sens et portée de l'oeuvre :

Les travaux révolutionnaires de Marey et Muybridge ont eu immédiatement des applications. D’abord, ils ont eu une profonde influence sur des artistes comme Rodin, Bouguereau, Whistler, Eakins et Degas, lequel s’inspira de Marey pour peindre des danseuses dans diverses positions. On raconte que Meissonier, impressionné par la démonstration de Muybridge selon laquelle un cheval au galop n’a par moments aucun appui au sol, modifia certaines de ses scènes historiques.

Au XXe siècle, les cubistes et les futuristes se plairont à décomposer le mouvement plus ou moins schématiquement.

En outre, Marey et Muybridge ont fortement contribué à l’invention du cinéma. Dans les années 1880, l’Américain organisa les premières projections cinématographiques en Europe, tandis que le Français, inventeur en 1892 du premier projecteur d’images animées, réussissait à filmer à grande vitesse, faisant défiler cent images par seconde.

 

Mots clefs pour approfondir :

Chronophotographie, futurime, naissance du cinématographe, Frères Lumière

 

œuvres et artistes :

      Déplacement animal. Eadweard MUYBRIDGE.

      Synthèse plastique des mouvements d’une femme. Luigi RUSSOLO.

      Moulage de plâtre : envol du Goéland. Etienne-Jules MAREY.

      Formes uniques de la continuité dans l'espace. Umberto BOCCIONI.

Dynamisme d'un chien en laisse

Giacomo Balla, 1912

huile sur toile

Oeuvre 2 :

 

Sujet de l'oeuvre :

Dans ce tableau on voit un chien en laisse avec sa maitresse. L’objectif est la représentation du mouvement et de la vitesse.

Le tableau est présenté comme une photographie : il a superposé un succession d’images des jambes du chien, de sa queue, de la laisse, des pieds de la maitresse pour donner l’impression de déplacement.

Le chien et la maitresse sont représentés totalement en noir en contraste avec l’arrière-plan blanc. La laisse bouge et tourne.

 

L'artiste :

Giacomo Balla est un des membres fondateurs du principal mouvement artistique Italien du début du siècle : le Futurisme. Fondé en 1909, ce mouvement prône la destruction des règles traditionnelles de l’art mais aussi, c’est une de ses particularités, la subversion de l’ordre social et politique.

 

Contexte de l'oeuvre :

Les futuristes jugent nécessaire d’introduire dans la peinture des sujets nouveaux empruntés à la vie quotidienne, à l’actualité, à la « modernité » : Ils veulent ainsi contester les règles de la peinture traditionnelle qui plaçait les thèmes historiques, littéraires et religieux au sommet de la hiérarchie artistique, et qui jugeait les sujets trop quotidiens ou trop « actuels » indignes d’être peints. Ils veulent également mettre en évidence et parfois glorifier les bouleversements culturels, sociaux, politiques ou techniques qui sont, selon eux, les prémisses d’une révolution plus globale qu’ils appellent de leurs vœux.

 

Analyse formelle de l'oeuvre :

Balla a choisi ici un sujet qui peut paraître peu révolutionnaire. Pourtant, conformément aux principes futuristes, il a bien représenté un des changements récemment intervenus dans la vie quotidienne : le chien d’agrément qui à fait depuis peu son apparition dans les foyers de la petite bourgeoisie citadine. Même si le « ton » est ici plus comique que violent, il ne faut pas sous-estimer ce que pouvait avoir de provocateur le choix d’un sujet aussi éloignés des « grands » thèmes académiques.

Grâce au cadrage, il rend d’ailleurs ce sujet plus provocateur encore. En effet, selon les règles traditionnelles, Balla aurait du mettre en avant la figure féminine et reléguer le chien au rang d’accessoire. Or il a choisi au contraire un cadrage qui place le chien au centre de la toile et ne laisse apparaître que les pieds de sa maîtresse.

De plus, le peintre fait manifestement référence aux cadrages pratiqués dans la photographie et le cinéma. Or, au début du siècle, ces deux disciplines relativement récentes sont considérées comme mineures et indignes d’inspirer les peintres.

 

Dynamisme :

Pour les peintres futuristes, la vie « moderne » se caractérise avant tout par le mouvement et la vitesse. Ils cherchent par conséquent à produire un art en phase avec le « dynamisme » du monde nouveau et qui s’oppose à l’immobilisme du monde ancien : en choisissant des « sujets » en rapport avec cette thématique : personnages ou objets en mouvement, nouveaux moyens de transports, machinisme, agitation des grandes villes industrielles, sports, mouvements de foules, actions politiques violentes… en cherchant à donner l’illusion que ce qui est représenté bouge mais aussi que la toile elle-même est une surface dynamique.

On retrouve évidemment ces préoccupations chez Balla. D’une part il choisit de représenter la course rapide d’un chien que sa maîtresse, qui marche à ses côtés, tient en laisse. D’autre part il cherche à donner l’illusion que ces trois éléments sont en mouvement : Il peint, sur la surface représentant le sol, des lignes diagonales légèrementconcentriques. Il superpose les images du chien, de sa maitresse ou de la laisse à différents moments du mouvement qui les anime.

 

Liens pour approfondir : 

Oeuvre 3 :

Hommage à Blériot

Robert Delaunay, 1914

huile sur toile, 46x46cm 

musée des Beaux Arts de Grenoble

Le contexte de l'oeuvre :

En juillet 1909, Louis Blériot traverse la Manche en avion. Delaunay assiste à son retour triomphal à Paris. C’est moins de 5 ans plus tard en février 1914 que Robert Delaunay achève la version de L’hommage à Blériot après la réalisation de plusieurs esquisses préparatoires (deux versions principales et 5 études, 2 huiles, une aquarelle et 2 crayons papier). Il destine son tableau au salon des Indépendants. Il invite d’ailleurs Louis Blériot, le pilote, à venir voir l’œuvre.

Robert Delaunay est un peintre qui participe activement aux recherches des avants-gardes picturales européennes, il en est même l’un des pionniers avec l’Orphisme.

Tout au long de la seconde moitié du 19ème siècle et du début du 20ème siècle la peinture fait sa révolution. L’invention de la photographie puis celle du cinéma conduisent les artistes à porter un autre regard sur le monde.

Les impressionnistes, Monet en particulier, étudient les effets de la lumière sur la perception que l’on a des formes. Seurat et Signac divisent la couleur pour expérimenter le contraste simultané et le mélange optique. Sous l’influence de Cézanne et des arts premiers les cubistes multiplient les points de vue et fragmentent l’image. Matisse et les Fauves libèrent la couleur de son asservissement au ton local. Les futuristes sont à la recherche de l’expression du mouvement.

Dans ce bouillonnement intellectuel, Delaunay s’attache à une figuration mêlée de toutes ces influences. Delaunay a peint différentes versions de "L’hommage à Blériot" variant les formats et les techniques

Aujourd’hui la version à l’huile de l’œuvre  L'hommage à Blériot est conservée au Musée des beaux arts de Grenoble. Mais cette peinture n’est pas la version définitive, pourtant elle présente déjà l’ensemble des éléments mis en place par l’auteur dans l’œuvre définitive.

 

Analyse formelle de l'oeuvre :

Les mouvements de la toile sont impulsés par des formes empruntés à l'aéronautique : biplan, hélice. L'avion, symbole de l'émancipation de l'homme par rapport à la Terre, offre à Robert Delaunay un prétexte pour s'émanciper des codes de la peinture traditionnelle, et s'avancer vers l'« inobjectif » et la « peinture pure ».

Il choisit l'avion car il abolit les notions de distance, et permet au peintre d'aller vers une ubiquité panoramique. Il oppose une plénitude harmonique aux tentatives descriptives du passé.

De même, ce motif, comme celui de la Tour Eiffel, lui permet de se revendiquer peintre de la modernité. La préférence du peintre pour la courbe est perceptible (contrairement aux peintres abstraits Kasimir Malevitch et Piet Mondrian), déjà affirmée dans la série des Fleurs (1909), et qui se poursuivra dans les Formes circulaires

 

Delaunay, ambassadeur du monde monderne :

L'exposition universelle de 1937 :

Ces travaux muraux trouveront leur point d'exergue dans l'Exposition internationale de 1937, pour lesquelles il réalise d'immenses décorations. Dès 1935, il était pressenti pour participer à cette gigantesque exposition, mais, contrairement à de nombreux artistes, il n'a fait aucun acte de candidature ; l'attention a été attiré sur lui grâce à une exposition réalisée par la revue Art et décoration, intitulée Revêtements muraux en relief et en couleurs de Robert Delaunay, en 1935. Il réalise la décoration du palais du chemin de fer et de l'air. Pour ce dernier, il reproduit à grande échelle son tableau Rythme sans fin. La volonté était également de faire sortir l'avant-garde de son petit cercle d'initiés, et de le mettre à portée de tout le monde.

 

Pour Approfondir :

mots clefs : art abstrait, orphisme, rayonisme, Robert et Sonia Delaunay.

 

liens possibles

www.collegebrossolette.com › ... › D. Disciplines › Arts plastiques

‎parlonsdart.com/hommage-a-bleriot-robert-delaunay-1914/

www.dailymotion.com/.../xcfxqn_c-est-paname-qu-...

www.dailymotion.com_c-est-paname-qu-elle-prefere-sonia_

 

Oeuvre 4 :

Zwei Fiat (deux Fiat)

Gerhard Richter, 1964

huile sur toile, 130x200cm 

Contexte de l'oeuvre :

Gérard Richter est un peintre allemand, né en 1932, de formation classique dans le domaine de l'art, marqué durant sa jeunesse par les tragédies de la seconde guerre mondiale et la perte de membres de sa famille. Influencé au début des années 60 par les artistes américains, il décide de continuer à représenter le monde réel en imitant tout simplement des photographies.

 

J'ai eu pour la première fois le sentiment de faire quelque chose de nouveau, de personnel ou même de « radical », comme on disait à l'époque. Ceux qui avaient pris conscience de ce changement se trouvèrent bientôt à court d'arguments et finirent par affirmer que l'on ne pouvait pas non plus procéder de cette façon, en n'obéissant à aucune règle et en se contentant de copier une photo.

[Dietmar Elger, Gerhard Richter, Édition Hazan, 2010, (traduit de l'allemand par Caroline Jouannic), p. 36]

 

Analyse de l'oeuvre :

Cette toile de format moyen représente le passage de deux voitures vues du bord de la route et prise en potographie avec un tirage en noir et blanc. Le peintre n'a presque rien transformé de la photographie. Il s'est contenté de reproduire la déformation des véhicules qui se produit sur une image photographiée lorsque l'objectif de l'appareil n'arrive pas à faire une zone de netteté sur les objets en déplacement. C'est précisement cette représentation de la vitesse par le déformation des voitures que le peintre a voulu mettre en évidence grâce à ces trainées de peintures qui renforcent ce phénomène de la disparition des formes.

 

Portée de l'oeuvre :

Ce tableau préfigure par ces zones abstraites les grandes toiles complètement dépourvues de formes que le peintre mettra en œuvre durant les années 80 et qu'il continue de faire actuellement :

 

Jaune-vert [Gelbgrün] Gerhard Richter, 1982

huile sur toile, 260x400cm, Baden-Baden, Museum Frieder Burda 

Dans une déclaration publiée dans le catalogue, il décrit les Tableaux abstraits comme des "modèles fictifs" :

Chaque fois que nous décrivons un phénomène, que nous établissons une facture, ou que nous photographions un arbre, nous créons des modèles sans lesquels nous ne saurions rien de la réalité et resterions des animaux. Les tableaux abstraits sont des modèles fictifs, parce qu’ils rendent visible une réalité que nous ne pouvons ni voir ni décrire mais dont nous pouvons déduire l’existence..

[Extrait du Texte pour le catalogue de la Documenta VII de Cassel (1982), cité par Dietmar Elger, dans Gerhard Richter, Édition Hazan, 2010, (traduit de l'allemand par Caroline Jouannic), p. 260]

 

Gerhard Richter, agé de plus de 80 ans continue ses recherches plastiques à l'aide de techniques contemporaines comme cette série de peinture programmée à l'aide des outils numériques :

 

Strip Gerhard Richter, 2011

impression numérique sur papier entre aluminium et Perspex, 160x300cm

Pour aller plus loin :

http://www.gerhard-richter.com/vidéo/dans l'atelier cliquer ici

 

site du Centre Pompidou de Paris : dossier pédagogique sur Gerhard Richter cliquer ici

 

Rétrospective Gerhard Richter au Centre Pompidou de Paris 2012

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